On peut dénigrer certains aspects de la vie politique en général, mais encore faut-il mettre le doigt sur ce qui cloche et, mieux encore, remonter le cours des événements pour voir d'où un phénomène prend sa naissance. L'intérêt de lire ce genre de livre, c'est de se familiariser avec la pensée critique, ici celle de Mme Arendt, et de revoir le XXe siècle sous un nouvel angle.
Je propose donc dans les prochaines semaines de citer certains passages que je trouve percutants. En voici un premier:
Ni le national-socialisme ni le boclhevisme ne proclamèrent jamais qu'ils avaient établi un nouveau genre de régime, ni ne déclarèrent que leurs objectifs étaient atteints avec la prise du pouvoir et le contrôle de l'appareil étatique. Leur idée de la domination ne pouvait être réalisée ni par un État ni par un simple appareil de violence, mais seulement par un groupement animé d'un mouvement constant: à savoir, la domination permanente de chaque individu dans chaque sphère de sa vie. La prise du pouvoir par la violence n'est jamais une fin en soi, mais seulement le moyen d'une fin et, dans n'importe quel pays, la prise du pouvoir n'est qu'une étape transitoire et bienvenue, mais jamais la fin du mouvement. L'objectif pratique du mouvement consiste à encadrer autant de gens que possible dans son organisation, et de la mettre et de les maintenir en mouvement: quant à l'objectif politique qui constituerait la fin du mouvement, il n'existe tout simplement pas.
p. 69 coll. Points (307) Éditions du Seuil
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